Cameroun-Chine : Contours d’un partenariat Gagnant-Gagnant

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En 46 années de coopération, la relation entre les deux Etats s’est constamment densifiée en explorant de nouveaux domaines de coopération.

Le 26 mars 1971, le Cameroun et la République Populaire de Chine établissaient des relations diplomatiques. Pour le Cameroun, cette démarche s’inscrivait en droite ligne d’une volonté de coopération Sud-Sud impulsée par la Conférence de Bandung (1955), dans un contexte international marqué par un affrontement idéologique. Le droit à se conduire soi-même commandait de s’ériger au-dessus des conflits de la Guerre froide qui somme toute, pouvaient se lire comme une querelle hégémonique des « grands » n’ayant  aucune plus-value pour les jeunes Etats qui marquaient leurs premiers pas sur la scène internationale. Ce fut donc une lecture réaliste des enjeux internationaux.

Pour la République Populaire de  Chine, l’établissement des relations diplomatiques avec le Cameroun, marquait un pas supplémentaire vers sa reconnaissance internationale.

Au sein du concert des nations, cela représentait une voix de plus dans la bataille de la légalité et de la légitimité qu’elle livrait depuis 1949 avec le gouvernement exilé de Tchang Kai-Chek (Taiwan). Le dilemme contraint malheureusement chacune des nations sur la scène internationale à opérer un choix. Le 25 octobre 1971, le vote de la Résolution 2758 de l’Assemblée générale auquel participe le Cameroun avec 74 autres pays du monde, entraîne la sortie du gouvernement de Taiwan des Nations Unies et l’admission de la Chine communiste par une écrasante majorité. Ce soutien décisif à ce moment crucial de quête de légitimité internationale, augure ainsi pour les deux pays une relation fructueuse. L’affirmation de cette coopération va très vite se manifester avec la visite du Président AHMADOU AHIDJO à Pékin en 1973. Ainsi, alors qu’elle  est en construction de sa puissance, la Chine met son savoir-faire à la disposition du Cameroun par la réalisation d’un certain nombre d’ouvrages : le barrage hydroélectrique de Lagdo en 1977 (région septentrionale, Ndlr), le Palais des Congrès de Yaoundé inauguré en 1982, une salle de conférence internationale qui viendra combler le déficit infrastructurel de cette époque. On note au passage l’envoi d’équipes médicales chinoises dont les villes de Mbalmayo et de Guider sont les symboles originels les plus expressifs.

Ces faits pourtant déjà significatifs, constituent des signes annonciateurs d’un simple décollage des relations sino-camerounaises. Le réveil de la Chine et les challenges de développement du Cameroun boosteront leur coopération à partir du troisième millénaire, soutenue par une convergence de principes de politique étrangère.

UNE CONVERGENCE DE PRINCIPES ET DE VALEURS

La Chine et le Cameroun s’illustrent par une sacralisation de l’ordre international, tel que codifié par la charte des Nations Unies en juin 1945 à San Francisco. Deux principes phares d’essence westphalienne, à savoir : l’égalité souveraine des Etats et la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre Etat, fondent leurs maximes de politique étrangère.  Dans la posture internationale camerounaise et chinoise, il existe un culte implicite aux injonctions maatique et confucéenne de la reconnaissance et du respect de l’autre. Ce faisant, l’altérité n’est plus lue dans la perspective d’une homogénéisation, mais dans l’impératif catégorique de l’hétérogénéisation qui fait que, la rencontre avec l’autre qui n’est pas moi, soit dénuée de tout projet de phagocytose. Ce regard culturel neuf dans les relations entre Etats en quête de puissance, induit également une nouveauté dans la façon de conduire au quotidien les différents pans qui structurent leur coopération.

 

UNE RELATION SINGULIERE

Le Cameroun fait partie de ces pays qui offrent à la Chine, les occasions d’exposition de sa puissance financière qui ne cesse de se faire visible au fil des années. Elle est aujourd’hui au Cameroun, le premier bailleur de fonds dans les projets structurants. Le Cameroun réduit son déficit infrastructurel en faisant de la Chine un partenaire privilégié. Celle-ci profite de cette opportunité pour renverser les certitudes hégémoniques. Dans le même ordre d’idées, le soutien du Cameroun qu’elle sollicite pour la reconnaissance de sa souveraineté sur la Mer méridionale de Chine, âprement contestée par tous les Etats limitrophes lui conviendrait. D’après la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED), en une quinzaine d’années les investissements directs étrangers vers le Cameroun ont atteint 2750 milliards de francs CFA, dont les deux tiers du montant proviennent de la Chine. Par ailleurs les échanges commerciaux entre les  deux pays ont couvert 1510 milliards de Francs CFA en 2015. La Chine serait donc le premier partenaire commercial du Cameroun. A contrario, le Cameroun exporte vers la Chine principalement des matières premières pour le fonctionnement de son industrie, à l’instar du bois, du cacao, du fer, du café…

Grace à ses financements colossaux au Cameroun, la Chine fournit des opportunités de marché à ses multinationales, et de l’emploi à sa population. En effet, la plupart des projets financés par la Chine sont réalisés par les entreprises chinoises dont l’essentiel de la main d’œuvre stratégique est souvent importée. Les multinationales chinoises n’interviennent pas seulement dans la sphère des projets portés par les financements de leur pays d’origine. L’expertise chinoise rayonne à travers le Cameroun  : China International Water and Electric Corporation (Barrage de Lom Pangar), Sinohydro Corporation Limited (Barrage de Memve’ele), China Gezhouba Group Company Ltd, China Communications Construction Company et Xian Jiang Beixin Construction and Engineering Company,  Hydrochina International, China First Highway Engineering (autoroute Yaoundé-Douala), China Communications construction company Ltd (CCCC) et Jiangsu Provincial Transportation Engineering Group (route Kumba-Manfé), China Harbour Engineering Company (CHEC) Port de Kribi. Ces entreprises permettent à la Chine d’être omniprésente, et de fonder sa puissance dans presque tous les domaines sur lesquels l’émergence du Cameroun est misée.

 

AUTRES DOMAINES DE COOPERATION

Sur le plan culturel, le Cameroun constitue pour la Chine un des fiefs les plus fertiles de l’enseignement du Mandarin dans le monde. L’institut Confucius du Cameroun créé en 2007 et ses centres certifiés, enregistrent plus de 10 000 apprenants. De l’affirmation même de l’Ambassadeur chinois au Cameroun à l’occasion de la réception offerte à la presse nationale le 29 avril 2016, ce chiffre place le Cameroun comme le leader de l’apprentissage du Mandarin dans le monde. Si la Chine n’est plus donc ce « géant au pied d’argile » sur le plan économique, elle reste encore devancée sur le plan culturel par les Etats-Unis et la France. Toutefois,  elle comble ce retard grâce à l’appui stratégique que lui offre le Cameroun. En effet, de même que les territoires exotiques ont permis aux langues européennes de construire la notoriété qui est la leur aujourd’hui, la Chine cherche aussi à son tour, à recourir à ces tremplins pour illuminer le monde de la sienne. C’est donc là une manière de construire une puissance totale. Le Cameroun est ainsi un des laboratoires par excellence où l’on peut saisir la construction de cette superpuissance ; qui pour l’être vraiment doit avoir plus d’une corde à son arc. En contrepartie, il sort du champ magnétique occidental en assumant la responsabilité de disposer de lui-même, par des calculs stratégiques compatibles avec ses intérêts.

 

Le Président Paul Biya et son Homologue chinois Hu Jintao, 2011

 

Médecins chinois à Mbalmayo

 

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