Charles René Guy OKALA : infatigable travailleur pour l’intérêt de la Nation.
Charles René Guy Okala est né à Bilomo par Ombessa le 9 Octobre 1910, au sein de la tribu des Sanaga de Okala Ngoume et de la nommée Nanga Bilaï. Son père, chef du village, avait 28 femmes et 20 enfants dont 12 filles et 08 garçons. Charles Okala était le 3e fils de son père et unique enfant à sa mère.
Le 30 novembre 1923, Okala quitte ses parents pour faire chemin avec le missionnaire Père Bernard qui s’installe à la mission Catholique de Banaga, dans l’arrondissement de Bokito. En juin 1925, à cause de la maladie du sommeil qui s’est installée dans la région, Charles Okala arrête ses études et suit le Père Bernard à Somo où il s’est établi dans la Subdivision de Ndikiniméki. C’est dans cette localité qu’il termine son éducation primaire. Au départ du Père Bernard qui avait pris un congé pour la France, ce dernier décide de laisser le jeune Charles Okala, avec cinq autres élèves, au petit séminaire de Mvolyé à Yaoundé en 1927.
De Mvolyé, Charles Okala va à Nlong, puis au petit séminaire d’Akono où il continua ses études jusqu’en classe de deuxième année, classe à laquelle il est radié du petit séminaire en 1931 sur le simple fait qu’il n’avait pas de vocation sacerdotale. Le Père Bernard, de retour de ses congés en 1930 et muté à la mission Catholique de Lablé du diocèse de Bafia, fut surpris de retrouver son jeune séminariste exclu du séminaire à la recherche d’un emploi. C’est ainsi qu’il décide de l’employer au service des chants et sacristain de la mission.
Après deux années de services rendus, Charles Okala considère le salaire que lui donne l’Église d’insuffisant. Il quitte donc ses fonctions pour rejoindre son beau-frère le nommé Joseph Ndjinga, frère de son épouse Jeanne Mbessi à Yaoundé. De là, n’étant nanti d’aucun diplôme, il est soumis à préparer un concours qui lui a permis d’être placé à l’équivalence du diplôme de sortie de l’école primaire supérieure de Yaoundé. En 1933, il passe le concours d’Écrivain-interprète et commence ainsi sa carrière professionnelle au sein de l’administration coloniale.
Dès ces moments, il met ses connaissances aux services de l’administration coloniale. D’abord comme comptable auxiliaire à la direction des finances d’octobre 1933 à Févier 1939, ensuite comme commis titulaire des services civils et financiers à la direction des finances, section dépenses engagées, du 10 Févier 1939 au 19 Mars 1940. Ayant obtenu une affectation sollicitée depuis 1938 après le décès de son père, il est placé sous l’égide de THINE, chef de la région du Mbam, pour qui il a beaucoup d’admiration durant la collaboration. Charles Okala a servi à Bafia dans les fonctions de premier secrétaire à la subdivision de Bafia du 20 mars au 21 septembre 1940 et par la suite, premier secrétaire à la régie du Mbam du 21 septembre 1940 au 30 septembre 1945.
Du 30 septembre 1945 au 1er septembre 1946, il est nommé secrétaire du tribunal du 2nd degré et greffier auprès de la justice de paix à compétence ordinaire de Bafia. Puis, commis greffier près de la justice de paix à compétence correctionnelle limitée de Bafia du 1er septembre au 21 octobre 1946.
Il convient de rappeler aussi que Charles Okala a fait son initiation au sein des mouvements associatifs et syndicaux de la subdivision de Bafia. Ainsi, durant son séjour dans cette ville, il fut élu premier président de l’assemblée des anciens séminaristes du Cameroun de Janvier 1937 à Mars 1940, président de la fédération sportive de football de la région du Mbam et conseiller de la section de la Confédération Générale des Travailleurs de la région du Mbam (CGT-Mbam). C’est donc cet homme, pétri d’expérience administrative qui a tout aussi fait ses preuves dans le domaine politique avant son entrée à l’ARCAM.
La notoriété de Charles Okala ne cessa de grandir. En 1938, le poids du joug colonial et l’existence des libertés publiques aidant, les camerounais, sous le régime du mandat de la Société des Nations (SDN), s’attèlent à revendiquer leurs droits. Le mouvement germanophile, débuté avec l’arrivée au pouvoir d’Adolph Hitler, nourrissait le désir de récupérer les territoires de l’Allemagne en Afrique parmi lesquelles, le territoire camerounais qui, à la conférence de Versailles, fut confié pour administration à la France et à la Grande Bretagne. C’est ainsi que plusieurs activités de propagande coloniale allemande étaient coordonnées au Cameroun sous-mandat français par une organisation très obscure appelée le Front du travail. Dans cet élan, l’administration française au Cameroun trouve des stratégies pour riposter aux revendications des différents camerounais souhaitant le retour de l’administration allemande au Cameroun. L’administration française réussit à museler ce mouvement en regroupant sous ses auspices la quasi-totalité de l’élite moderniste et de l’élite ancienne au sein d’une association dénommée la Jeunesse Camerounaise Française (JEUCAFRA) sous la présidence de Paul Soppo Priso.
C’est dans ce climat politique que Charles Okala, sollicité dès la mise en place de la JEUCAFRA Soppo Priso, fit ses premiers pas en politique. Au sein de ce mouvement, il fut élu secrétaire de la commission de rédaction des revendications des fonctionnaires du Cameroun en février 1939, puis Secrétaire Général de la JEUCAFRA, fédération de Yaoundé. Par la suite, il est créé sous son impulsion, une section de la JEUCAFRA dans la ville de Bafia, section dans laquelle il est élu président en 1939. Dans ce mouvement comme dans ses fonctions d’écrivain-interprète, Charles Okala n’a cessé de s’imposer par sa manière de travailler, caractère qui ne cessa de lui attirer aussi bien de sympathie que d’antipathie.
En 1945, à cause des multiples crises qui vont secouer la JEUCAFRA, le mouvement va se dissoudre pour donner naissance à l’UNICAFRA entendue Union Camerounaise Française. Au sein de ce nouveau mouvement à caractère francophile, Charles Okala en fait une fois de plus partie. En 1947, l’UNICAFRA fut dépassé et céda la place au Rassemblement Camerounais (RACAM), créé à Douala le 6 avril 1947, tout premier parti politique camerounais mort née, mais qui ne put retenir tous les anciens membres de l’UNICAFRA. Lorsque ce dernier fut dissous, Charles Okala, admirateur des Socialistes, crée l’Alliance Démocratique Camerounaise à laquelle il s’attache à la Section Française de l’Internationale Ouvrière (S.F.I.O) en 1947. Cet engagement politique lui a permis d’occupé de Vice-président du Mouvement socialiste Africain. De 1945 à 1949, il est sénateur en France, puis le 10 février 1947, conseiller de la république française et réélu dans ces fonctions le 14 novembre 1948.
Au plan local, élut en 1946 à l’Assemblée Représentative du Cameroun (ARCAM) au deuxième collège. Il est battu aux élections pour l’ATCAM en 1952 pour revenir aux nouvelles élections de l’ATCAM en 1956 qui sera transformée en ALCAM en 1957 et confirmé en 1960 aux élections Législatives pour la formation de la première assemblée indépendante du Cameroun (1960-1961) et reconduis à l’Assemblée Législative du Cameroun Orientale (1961-1965).
Ce travailleur acharné ne tardera pas de prendre la main de son adversaire politique Ahmadou Ahidjo et travailler au Gouvernement. C’est ainsi qu’en 1958, Okala occupe le portefeuille de Ministre des Travaux Publics, des Transports et des Mines. Le 18 juin 1959, il est nommé Ministre de la Justice ; et de 1960 à 1961, il fut Ministre des affaires étrangères dans le gouvernement de Charles Assalé. Il sera d’ailleurs confirmé à ce poste dans le gouvernement du 20 juin 1961. Il est nécessaire de rappeler que l’occupation de cette fonction s’effectuait cumulativement avec celle de parlementaire.
En 1962, dans sa volonté de consolider l’unité de la nation, le président Ahidjo décide de procéder à l’unification des parties politique. Pour y parvenir il mettra en place la loi de la subversion pour contraindre les leaders politiques camerounais à sa nouvelle vision. Face à cette nouvelle donne, Okala Charles, comme certains hommes politiques camerounais, vont s’opposer à cette idéologie. C’est ainsi que le 16 juin 1962, sous le coup de cette loi, sera arrêté et emprisonné pour une période de trois années (1962-1965). Malgré tout et dans sa volonté de toujours servir son pays trois années après sa sortie de prison, acceptera le poste d’ambassadeur itinérant à la Présidence de la République, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort le 16 septembre 1973.
La grandeur de l’homme ne saurait s’affirmer uniquement aux différentes fonctions auxquelles il a exercé mais aussi à la qualité des actions entreprises. L’action de ce dernier et comme toute œuvre humaine étant faite de haut et de bas, de réussite et d’échec, sa carrière politique n’a pas pu échapper à cette logique qui conditionne l’activité humaine. Ainsi, nous pouvons retenir que dès les années de colonisation, Charles René Guy Okala à travers de nombreuses de ses déclarations nationalistes nous a paru comme apôtre du rapprochement, comme un non partisan d’une décolonisation brutale mais au contraire d’une décolonisation qui se ferait par étape, lentement, d’une manière réfléchie. Ceci peut se vérifier avec l’évolution progressive des assemblées locales bien que celles soient la résultante de nombreuses pressions tant internes qu’externes. Par contre l’obtention de l’indépendance par étapes successives est une réussite pour la part de l’œuvre de Charles Okala.
Aussi, nous notons son nationalisme dans la majorité de ses interventions que ce soit à l’assemblée ou au cours des meetings et conférences qu’il donnait au nom de son parti politique. Dans l’essentiel de ses réclamations, il revendique l’autonomie et la démocratisation du Cameroun. C’est du moins ce qui lui permet de s’opposer à l’unification des partis politiques au Cameroun en 1962 qui va lui couter une incarcération à trois années.
Bien plus, au poste de ministre des affaires étrangères du Cameroun, il est entré dans l’histoire à travers sa brillante intervention aux Nations Unies à laquelle il a clairement soutenu le gouvernement de Kasavubu au sujet de la question congolaise qui lui a valu une salve d’applaudissement et de reconnaissance de la part de ses pères et une autre fois, pour demander l’annulation des résultats du referendum des 11 et 12 février 1961 au Cameroun qui a vu la partie septentrionale du Northern Cameroons rattaché au Nigéria.
Un autre aspect de la réussite de Charles Okala réside dans le fait qu’au sein de la communauté internationale, il est considéré comme une grande figure, un bon exemple à suivre. Il devait servir non seulement de modèle pour les africains mais aussi pour les noirs américains.
En guise d’échec dans ses actions on peut relever celle de son action politique. En effet, celle-ci se ressent lorsqu’en tant que responsable d’une formation politique, il est contraint de l’abandonner. La chute de son parti est la preuve irréfutable de son échec politique. S’étant opposé en 1962 au projet politique d’unification des partis politiques au Cameroun, il est appelé à réviser sa position en prison entre 1962 et 1965 pour intégrer plus tard le grand parti unifié crée en 1966 à savoir l’UNC.
S’il est vrai que les grands hommes font l’histoire, Charles René Guy Okala en fait partie et doit à ce titre avoir une reconnaissance particulière de la nation dont il est issu. Malgré tout, l’histoire retient toujours les siens.
Hermann Bahoken